Le mot bastide peut désigner aussi bien le bâtiment de l’habitation des maitres d’un domaine agricole que l'ensemble des bâtiments du domaine. Plus tardivement, il désignera une construction rurale de type manoir appartenant à la haute bourgeoisie des villes. C’est pourquoi il n’y a pas une tendance architecturale mais plusieurs.
Ces bastides sont les habitations des maitres du domaine.
Elles bénéficient d'une entrée plus large que celle des mas et minimum un étage, parfois plusieurs.
Sur le bas, on trouve les pièces de vie (salon, cuisine, cellier) alors que celles de nuit (chambres) sont sur le haut. Lorsque cela est possible, les commodités sont installées. Parfois s’y ajoutent un bureau, un deuxième salon, etc. La principale différence sur ces pièces par rapport à l'habitat de base, outre les matériaux, va se situer au niveau des volumes qui sont nettement plus importants. Une certaine symétrie est recherchée, la porte principale se situant au centre.
A l’extérieur, comme nous sommes sur la base d’un domaine agricole, il y a obligatoirement un puits, et comme il fait chaud, une treille est aussi souvent présente devant la façade sud, sinon de grands arbres.
L'utilisation des plus anciennes bastides justifie généralement que l'habitation soit accolée à un ensemble agricole, mais pas que. Par exemple, le Moulin des Roberts à Gordes a vu se construire en premier lieu un moulin sur le cours d'eau local dénommé l’Imergue. Le 1er bâtiment n’est pas très grand, mais contrairement aux autres moulins du secteur (Véroncle, etc.), il est relativement facile d’accès et son exploitant possède aussi pas mal de terres avec des sols propices à l’agriculture. Une grange, une fénière, une magnanerie (en réalité une partie de la fénière aménagée, l'élevage du vers à soie n'étant pas une activité à part entière mais plus un complément qui demande un surplus de travail quand les champs eux en demandent le moins) et un petit logement y sont ajoutés. Puis, étant devenu le plus gros moulin de Gordes (selon les archives départementales), une petite bastide y est alors ajoutée, directement accolée au reste et une partie des jardins est aménagée. Ancienne et typiquement rurale, cette bastide reste plus modeste que celles des pays aixois ou marseillais, mais les largeurs de l’entrée, les hauteurs importantes des pièces, les matériaux, la présence de gypseries scéniques, et le nombre important de rangs de génoises, etc. en font clairement une bastide.
Lorsque la bastide désigne l’ensemble des bâtiments d’un domaine agricole, elle se compose alors de la maison d’habitation des maitres du domaine, celle(s) pour les employés, les bâtiments de stockage du matériel et des récoltes, ceux pour les bêtes, etc.
Les formes vont varier en fonction du lieu, du besoin de protection, du type de matériaux trouvés sur place, etc.
Lorsque les bâtiments ne sont pas en grand nombre, ou que le domaine est petit, on parle parfois d'une Bastidette (pour petite bastide).
Apparues à partir du XVIIème siècle, ces bastides bourgeoises ne sont progressivement plus comme les bastides agricoles.
Avec l’arrivée des grosses chaleurs, les riches citadins quittent leurs hôtels particuliers d’une ville trop chaude pour rejoindre leur bastide à la campagne. Le bâtiment n’est plus alors seulement l’habitation du maître d’un domaine agricole mais plus une résidence secondaire pour passer la saison chaude loin de la ville.
Ainsi, l’emplacement n’est plus choisi pour sa proximité avec des terres agricoles mais pour le prestige qu’il peut dégager. Il est alors courant de choisir une situation en hauteur pour voir et être vu, ou encore la proximité d'une source abondante afin de pouvoir créer des bassins et des jeux d'eau. En effet, un simple puits ne suffit plus pour ces bastides bourgeoises car les besoins en eau, qu’ils soient pour la cuisine, la toilette ou encore le jardin, sont largement supérieurs à ceux des simples bastides agricoles.
Architecturalement parlant aussi il y a des bouleversements.
Nous avons généralement un corps principal dont les bases sont plus ou moins cubiques. Des ailes latérales peuvent y être ajoutées, soit à postériori, soit dès la conception.
Les toits sont généralement des toitures de tuiles romanes à quatre pentes pour pouvoir être vues quelle que soit la façade que l’on regarde. C'est le cas pour nombre de bastides aixoises, dont celle du Jas de Bouffan à Aix-en-Provence, célèbre comme habitation et de par les œuvres du peintre Paul Cézanne, et qui abrite depuis 2006 le musée Cézanne. Lorsque le toit n'est qu'à deux pentes, des génoises, sur plusieurs rangs, font alors le tour du bâtiment. C'est le cas pour nombre de bastides que l'on va trouver sur le secteur du nord Luberon , autour du mont Ventoux ou encore dans la Drome provençale.
Pour celles qui se veulent les plus proches d'un château, il arrive aussi que l'on dote la bastide d'une terrasse en toiture, ou même simplement de balustres ornementales sur la façade principale pour cacher les toitures, comme pour la bastide de la Magalone à Marseille, voir de tourelles ou de tours. Ainsi, la Bastide qui porte le nom de Château de la Forbine, à Marseille, est flanquée d'une tour.
Parfois, le nombre d’or (la divine proportion) est utilisé pour calculer la hauteur idéale de chaque niveau en façade, le dernier des 3 niveaux finissant alors à moitié sous les toits.
Les ouvertures sont en nombre impair et disposées de manière symétrique. Des grandes fenêtres à petit carreaux laissent entrer un maximum de lumière sur les deux premiers niveaux, alors que les derniers doivent parfois se contenter de fenêtres en demi-lune ou de fenêtres en œil de bœuf.
Par rapport aux bastides agricoles, les hauteurs des pièces principales sont encore augmentées, les couloirs s’élargissent, les façades sont enduites (signe de richesse) alors que les fenêtres sont encadrées, les angles ornés de belles pierres de taille et même parfois rehaussés de peinture de couleur comme pour souligner certains détails.
Dans les pièces du sud, côté soleil, pièces de réception et de vie des maîtres des lieux, les fenêtres sont hautes pour laisser la lumière pénétrer les lieux au maximum, les décors sont riches et soignés, les escaliers imposants, les lustres flamboyants, etc.
Les salons classiques sont plus nombreux et s’y ajoutent des boudoirs. Parfois, une radassière, sorte de banquette provençale dédiée au farniente, permet aux occupants de profiter du lieu en mode détente maximale. Dans Les Cahiers de la recherche architecturale de Jean-Marc Chancel, il décrit ce meuble comme étant un indispensable des bastides provençales.
A la cuisine, pièce uniquement réservée à la préparation des repas, s’ajoute une véritable salle à manger.
A l'arrière, généralement au nord "côté mistral", les escaliers et couloirs de service sont plus étroits. Les hauteurs aussi, et il peut ainsi arriver qu’il y ait un étage de plus entre la partie sud et la partie nord pour une même hauteur globale en façade car les grandes hauteurs sont réservées à la partie des maîtres.
Contrairement aux premières bastides qui n’avaient pas d’employés à loger sur place, même pour les plus simples bastides bourgeoises, il n’y a plus un mais au minimum deux escaliers. En effet, le personnel se déplace de la ville avec les maîtres des lieux mais il doit être le moins visible possible et donc, sauf pour les tâches ménagères de nettoyage de celui, ne peut être vu sur l’escalier principal.
Le palier de l’étage se poursuit parfois en façade avec un balcon à la rambarde de fer forgé surplombant la porte d’entrée. Les chambres de maître ont des vues sur le parc, tandis que sous les toits, on trouve généralement les chambres du personnel. Les antichambres et les dressings complètent souvent ces suites.
Les gypseries et peintures sont fréquentes, les cheminées et leurs trumeaux omniprésents.
La religion restant très importante à cette époque, les plus riches ont leur propre chapelle à proximité.
Une grande haie d'arbres majestueux (platanes, marronniers, etc.) borde chacun des côtés du chemin qui mène à l'imposant bâtiment, et, comme dit plus haut, on voit apparaître des bassins plus ou moins imposants et plus ou moins décorés.
Les bastides que l’on va retrouver dans le pays aixois, puis par extension une partie du sud Luberon ou des Alpilles, sont de très bons exemples. Toutefois, il y a là aussi encore une fois de beaux exemples dans le pays aptois, le Var, le nord Luberon ou encore dans le secteur du mont Ventoux.